Un peu d’Histoire

Les premiers seigneurs de Montfort nous sont encore inconnus faute de documents. La recherche est d’autant plus difficile que le toponyme de Montfort est très répandu et qu’il n’est pas aisé de préciser dans les textes anciens de quel « Montfort » il s’agit.

A un château primitif du haut moyen-âge, probablement une simple construction de bois, succède au cours du 12e siècle un premier château de pierres, dont les vestiges dorment sans doute sous les constructions postérieures et les accumulations de gravats en cours de dégagement.

Vers 1290, Géraud de Maulmont reçoit de Marguerite, vicomtesse de Limoges, pour services rendus plusieurs châteaux, dont celui de Montfort. Marguerite de Limoges est la fille de Hugues IV duc de Bourgogne, elle est veuve de Guy VI de Limoges.

Géraud de Maulmont est une figure importante de l’histoire politique limousine de la seconde moitié du 13e siècle. Entré au service de la famille vicomtale, il en anima avec intransigeance et fermeté la politique pendant toute la durée de la régence de la vicomtesse Marguerite de Bourgogne, dont il fut le conseiller dévoué. Il fut également employé par d’autres grands seigneurs, dont le roi de France lui-même, qui lui ouvrit les portes de son conseil et l’accueillit dans son entourage. Au cours de sa carrière, il accumula un patrimoine considérable et rassembla de très nombreuses seigneuries, sur lesquelles il édifia d’imposantes et d’originales forteresses, qui constituèrent autant de symboles ostentatoires de sa réussite et de sa puissance.

Géraud de Maulmont est archidiacre de Limoges, clerc au parlement en 1272, conseiller du roi Philippe III en 1274 puis de Philippe IV, chapelain du pape en 1289, abbé du Dorat en 1292.

Il modifie radicalement l’ancien château de Montfort et fait construire l’imposant mur écran flanqué de ses trois tours semi-octogonales. Le fossé sud, déjà existant et qui sert de carrière de pierres se trouve alors approfondi.

A sa mort, en 1299, son neveu Hélie junior (fils d’Adémar) hérite de ses biens. Hélie meurt en 1305 et le château passe à Guillaume son frère aîné et Pierre son neveu (fils de Pierre), qui en font l’hommage au duc Eude IV de Bourgogne le 15 juillet 1315.

Généalogie de Maulmont
Hommage-lige de Guillaume et Pierre de MAULMONT au duc de Bourgogne (1315)

Hommage: « Notum sit om[n]ibus q[uod] nos Guille[lmus] de Malo Monte miles recognoscimus nos habere et tenere pro indiviso una cum carissimo nepote nostro d[omi]no Petro de Malo Monte milite in feodum ab illustrissimo d[omi]no n[ost]ro Odone duce Burgundie, castrum de Monte Forti ac villam de Viliers et locum seu reppayrium de Fastanhs et p[er]tine[n]cias omnium p[re]missor[um]. Et pro eisdem qua[n]tum pro indiviso ut p[re]mittit[ur] nos contingu[n]t fecimus homagium litgium cum iuramento fidelitatis p[re]fato d[omi]no n[ost]ro duci sicut facere tenebamur. In cui[us] rei testimo[n]ium p[re]sentes l[itte]ras sigilli curiae ven[erandi] Officialis Parisiensis fecimus appensione muniri. Nos vero predictus Officialis d[ictu]m sigillum ad instantiam p[re]fati d[omi]ni Guille[lmi] p[re]sentib[us] duximus apponendum. Datum Pari[siis] yd[ib]us julii anno d[omi]ni mill[esi]mo CCC qui[n]to deci[m]o.«

Hommage traduit: « Que soit connu de tous que nous, Guillaume de MAULMONT, chevalier, reconnaissons avoir et tenir en fief, en indivision avec notre très cher neveu le seigneur Pierre de MAULMONT, chevalier, de notre très illustre Seigneur Eudes, duc de Bourgogne, le château de Montfort et le village de Villiers et le lieu ou métairie de Fatin, et les appartenances de tous les lieux susdits. Et pour ces mêmes lieux, autant qu’ils dépendent de nous, comme cela est dit plus haut, en indivision, nous faisons hommage lige avec serment de fidélité à notre susdit seigneur duc, ainsi que nous étions tenus de le faire.
En témoignage de quoi nous avons fait munir les présentes lettres du sceau suspendu de la cour du vénérable Official de Paris.
Quant à nous, susdit Official, sur les instances du susdit Seigneur Guillaume, nous avons estimé qu’il fallait suspendre le susdit sceau.
«
Donné à Paris  aux Ides de juillet 1315.

1 Archives départementales de la Côte-d’Or :B 10494 : Série chronologique des hommages, aveux et dénombrement en Bourgogne.
2  Neveu de Géraud de MAULMONT.
3  Fils de Pierre et petit-neveu de Géraud de MAULMONT.
4 Eudes IV est duc de Bourgogne depuis deux mois, suite à la mort de son frère aîné Hugues V, mort le  09/05/1315, à l’âge de 21 ans. L’hommage de ses vassaux doit donc être renouvelé au nouveau duc.
5 15 juillet 1315 du calendrier julien.

Vers 1350, la seigneurie revient au duc de Bourgogne, qui la confie à Geoffroy de Charny, seigneur de Lirey près de Troyes. Ce personnage bien connu meurt en 1356, après avoir fondé une collégiale à Lirey. Son fils, Geoffroy II de Charny meurt en 1398. A cette occasion, Jean Nicolas Petit, châtelain de Montbard, dresse un inventaire de tous les meubles du château appartenant alors à Margueritte et Henriette, filles mineures de Geoffroy. Hélas ce document n’est pas conservé.

Sa fille Marguerite hérite de ses possessions : Lirey, Savoisy, Montfort et Beaumont-sur-Vingeanne. En 1418, elle se remarie avec Humbert de Villersexel, seigneur de Saint-Hippolyte sur le Doubs. Ils passent à Lirey et y prennent les reliques de la collégiale, dont le « saint suaire » (ou « linceul de Turin »), pour les mettre en sûreté, disent-ils, en leur « chastel de Montfort ».

Au milieu du 15e siècle, François de la Palud vend la seigneurie de Montfort au chambellan du duc Philippe le Bon, Pierre de Bauffremont, qui épouse Marie de Bourgogne, fille naturelle du duc. Le 9 juillet 1456 le duc érige en comté l’ensemble des seigneuries provenant de Pierre de Bauffremont (Charny, Mont-Saint-Jean, Montfort et Villaines-les-Prévôtes) et celles provenant de Marie de Bourgogne (Arnay-le-Duc et Pouilly).

A la fin du 15e et au début de 16e siècle, la seigneurie de Montfort est passée à la famille des Chalon Arlay, princes d’Orange, dont le dernier représentant meurt en 1530, cédant la principauté à son neveu René de Nassau Breda, stadhouder (gouverneur) de Hollande.

Sans postérité, ce dernier désigne en 1544 comme son héritier Guillaume de Nassau (Guillaume le Taciturne), qui est assassiné en 1584. Montfort reste en indivision entre ses filles.

La seconde moitié du 16e siècle est la période la plus mouvementée pour Montfort. Au cours de la 3e guerre de religion, le pape ordonne en 1568 la croisade contre les hérétiques. Guillaume de Nassau (le Taciturne), prince d’Orange et le duc de Deux-Ponts, grand-père de Frédéric Casimir, sont alliés aux protestants. Edme de Lanneau occupe le château.

Guillaume d’Orange et son frère Ludovic s’en remettent à Charles IX. Par lettre patente du 4 décembre 1570, le roi ordonne au bailli d’Auxois de contraindre par tous les moyens nécessaires Edme de Lanneau à sortir du château. Il rétablit les princes d’Orange dans la possession de la terre de Montfort.

Les troubles se poursuivent. Charles IX meurt en 1574, son frère Henri III est assassiné en 1589.

Au cours de la 8e guerre de religion, en mai 1597, les partisans de la Ligue, sous le commandement de Anthoine de Rolland, seigneur de Nizerolles « surprennent » et occupent le château. Les troupes fidèles au roi y mettent le siège. Les communautés du bailliage, notamment Montbard et Semur, doivent, malgré leur réticence, faire l’avance des vivres nécessaires aux assiégeants. Ce n’est qu’en 1611 que le tout jeune roi Louis XIII ordonnera la clôture des comptes concernant les frais du siège.

Le 4 juillet 1597, les assiégés se rendent avec armes, munitions, chevaux et bagages. La reddition est négociée avec Charles Henri de Clermont Tonnerre qui traite au nom du roi Henri IV. Anthoine de Rolland et ses onze compagnons seront amnistiés par le roi, par lettre patente du 2 août 1597. Un dédommagement « raisonnable » est prévu pour les armes et munitions que le comte de Clermont-Tonnerre jugera bon de conserver pour la défense du château, au cas où le roi déciderait de le garder intact.

Ce qui n’est pas le cas, car quelques jours avant, le 30 juillet, Henri IV ordonne la démolition du château, que Claude Guérin dit La Forest, vice-bailli et prévôt des marchands d’Auxois, doit se faire remettre par le sieur de Nizerolles. Il doit réquisitionner immédiatement les habitants du village et des lieux voisins pour en commencer la démolition. Le château devra être rasé de tous ses remparts, tours et fortifications et les fossés comblés. Seul le corps de logis et ses dépendances seront épargnés et remis à celui qui sera désigné par le roi.

Les habitants ne renâclent pas à la destruction du château, au contraire. Au cours des diverses occupations du château, tout a été ravagé, les documents et archives qui s’y trouvaient ont été détruits et ils voient dans la disparition des terriers, l’opportunité de ne plus avoir à payer les redevances seigneuriales.

Anthoine Le Flaine, procureur d’office de Montfort s’empresse d’informer de la situation Louise Julienne d’Orange, électrice palatine, sœur aînée de la princesse Amélie, qui n’a alors que 16 ans. C’est elle qui gère les affaires de la famille d’Orange depuis la mort de leur père en 1584. En même temps, le 21 aout 1597, le procureur supplie par écrit le comte de Tonnerre de différer la démolition du château, « mesme de ce qui est de l’ancien bastiment » en attendant la réponse de Madame l’électrice.

Portrait de la Princesse Amélie (1581 – 1657)

Le 30 septembre 1597, Louise Julienne donne procuration au sieur Tendorf, son maître d’hôtel en France et à Zacharie Colle, son secrétaire, pour tenter de faire suspendre la démolition du château et remettre en ordre ses affaires en Bourgogne, « qui s’en vont en décadence, tant par ces longues guerres, usurpation et abus des rebelles, que par les prétentions qu’y fait le sieur comte de Charny ». Elle demande aussi à Henri IV de révoquer l’arrêt de démolition.

Elle obtient satisfaction et par lettre patente du 29 juin 1604, Henri IV, sensible à la demande de sa « très chère et très amée cousine Louyse Julienne de Nassau de Bourbon », il ordonne au bailli d’Auxois de faire rétablir les droits de la baronnie de Montfort, tant en haute, moyenne et basse justice, hommes, fiefs, arrière-fiefs, droit de mainmorte, lots, ventes, confiscation, amendes et aubaines, cens, rentes, corvées, gélines, bois, buissons, moulins, institutions aux offices et plusieurs autres droits seigneuriaux à Montfort, Villiers-sous-Montfort, Faultain, Champ-d’Oiseau, Villaines-les-prévotes, Genay et autres lieux.

Le bailli fera déclarer, arpenter et reconnaitre par les habitants toutes les terres qu’ils « tiennent » dans le ressort de la baronnie. Les tenanciers devront fournir tous les titres en leur possession. Il est donné ordre aux notaires, clercs, greffiers, tabellions et autres de fournir tous les actes passés depuis trente ans, afin de faire établir un nouveau terrier nominatif par notaires royaux, auxquels les redevances seront payées. Il en sera de même pour tous les droits seigneuriaux aliénés par la négligence des officiers de la baronnie qui en avaient la charge. Le tout scellé au bailliage d’Auxois sera remis à la Princesse Palatine ou ses représentants.

Frédéric Casimir de Palatinat Deux Ponts (1585 – 1645) et son épouse Amélie d’Orange Nassau (1581-1657), les nouveaux seigneurs de Montfort après les donations faites par ses sœurs à la princesse Amélie, vivent au château de Landsberg, dont quelques ruines subsistent près d’Obermoschel, dans l’actuelle Rhénanie Palatinat.

Portrait de Frédéric Casimir (1585 – 1645)

Au début de la guerre de 30 ans (1618 – 1648), fuyant les exactions des troupes espagnoles dans le Palatinat, le couple princier s’installe d’abord à Strasbourg, puis vers 1625, au château de Montfort. Ils y entreprennent d’importants travaux, notamment sur tous les bâtiments du côté est, y compris la tour, en ouvrant ou agrandissant les fenêtres et en ajoutant un peu de confort au vieux château médiéval.

Ils engagent aussi de longues actions en justice pour rétablir les droits de la seigneurie, où les seigneurs n’ont plus résidé depuis plus de 120 ans. Quelques habitants « francs » de Montbard, de Semur et de Viserny prétendent en effet posséder des biens sur la terre de Montfort.

A cet effet, les habitants de Montbard apportent comme preuve un titre daté du « sabmedy veillede Pasques florie 1355 » entre Geoffroy de Charny et les représentant de la ville de Montbard concernant l’exploitation de vignes de la « grande coste de Villiers ».

Le couple princier est représenté par Charles Fevret, seigneur de Saint-Mesmin et Godan, né à Semur, un des plus brillants avocats de l’époque, qui plaide que des hommes francs ne peuvent pas posséder des héritages en terre de mainmorte et que le titre de 1355 qu’ils présentent n’est pas recevable, car Geoffroy de Charny y étant désigné comme seigneur « en partie » de Montfort, il ne pouvait concéder de franchise sans le consentement des autres co-seigneurs.

Frédéric Casimir meurt à Montfort le 30 septembre 1645. Sa dépouille y est conservée jusqu’à la fin de la guerre de 30 ans et, en 1648, transférée à Deux-Ponts (Zweibrücken) dans le tombeau des princes de l’Alexanderkirche. La princesse Amélie s’installe alors au château de Landsberg à Obermoschel, chez son fils Frédéric Louis, où elle meurt le 28 septembre 1657. Son cercueil est transféré 5 ans plus tard dans le « caveau Stephan » sous la nef de l’église du château de Meisenheim am Glan.

Portrait de Frédéric Louis (1619 – 1681)

Le 9 mars 1688, Charlotte Amélie et Elisabeth Christine, princesses palatines du Rhin, petites-filles et héritières de Frédéric Casimir, vendent la seigneurie à François Michel Le Tellier, marquis de Louvois.

Le 19 mai 1731, Frédéric de la Forest et son épouse Marie Thérèse Feuillet acquièrent la seigneurie de Montfort de François d’Harcourt, marquis de la Milleraye et gendre de Louvois. Ils font du château leur résidence permanente et choisissent de se faire inhumer en l’église de Villaines-les-Prévôtes. Leurs trois héritiers mettent la seigneurie et le château en vente à deux reprises mais aucun acquéreur ne se présente.

Les terres sont ensuite louées puis acquises par un ancien fermier du domaine : Jean-Baptiste Lefaivre. Le château, en partie démoli au début du 19e siècle est abandonné aux intempéries et à la végétation.